L’ancien président de la Cour de justice de l’AELE écharpe l’accord-cadre 2.0
«Ce projet d’accord-cadre était une fumisterie dès le départ», écrit le Prof. Dr iur. Dr rer. pol. h.c. Carl Baudenbacher, ancien président de la Cour de l’AELE, sur insideparadeplatz.ch. Il interprète ce faisant le terme de «fumisterie» comme l’a défini le professeur de philosophie américain Harry G. Frankfurt: «des propos qui veulent convaincre sans tenir compte de la vérité». C’est précisément de cette manière que des représentants du DFAE, de la Conférence des cantons, de l’industrie d’exportation et des universités veulent faire passer un accord-cadre 2.0 avec l’UE, de préférence sans passer par les urnes.
Le 21 janvier 2022, le conseiller fédéral Ignazio Cassis assurait encore haut et fort qu’il n’y aurait pas d’accord-cadre 2.0. Pourtant, les éléments institutionnels clés – la reprise dynamique du droit, la surveillance et le règlement des litiges – sont «pratiquement identiques» dans le projet de mandat de négociation à ceux de l’accord-cadre coulé, comme le précise le professeur Baudenbacher. Quant à savoir si l’espoir d’obtenir une exemption du monopole d’interprétation, par exemple en ce qui concerne la protection des salaires ou la directive sur la citoyenneté, se concrétisera, «cela reste très hypothétique». Pour la population suisse, cela ne signifie «rien d’autre que des frais et débours».
Pour ce qui est du «tribunal arbitral» pour la forme, la Suisse n’a pas non plus obtenu d’améliorations, contrairement aux affirmations officielles. Ce dernier est seulement une «couverture». En effet, il est obligé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dès que le droit de l’UE est «impliqué», explique Carl Baudenbacher. Or, la Commission et la CJUE sont des institutions européennes. «Nulle part ailleurs en droit international on ne trouve, entre partenaires égaux, une situation dans laquelle l’un se soumet de fait à la surveillance et à la juridiction des institutions de l’autre». Carl Baudenbacher critique, en outre, ce que le Conseil fédéral passe sous silence: le Tribunal fédéral serait exclu de la procédure de règlement des litiges. «Aucune cour suprême de l’UE ou de l’Espace économique européen n’est aussi mal traitée», écrit le professeur Baudenbacher.
Le modèle comportant le «tribunal d’arbitrage» et la CJUE a été échafaudé par l’UE pour l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie et l’Arménie, des États dépendant financièrement de l’UE. La situation est complètement différemment pour la Suisse: elle devrait verser des milliards de francs de contributions à la cohésion. Faut-il une majorité des cantons pour voter sur l’accord-cadre? Depuis peu, des voix s’élèvent pour dire que cela est contesté. Il est pourtant tout à fait clair, selon la Constitution fédérale, que tel serait le cas, comme l’explique Carl Baudenbacher.
Si l’accord-cadre 2.0 est signé, la Suisse cédera de manière irréversible une grande partie de sa souveraineté à l’UE. Au vu de ces implications, autonomiesuisse appelle la Berne fédérale, la politique, les institutions et les groupes d’intérêts à faire preuve de «fair-play». Mouvement issu du monde de l’entreprise, elle appelle également les chefs d’entreprise étrangers à s’intéresser à la démocratie directe et au fédéralisme de la Suisse. Trop souvent, nous profitons des fruits du modèle de réussite suisse, mais oublions ses racines.